Comprendre le « soutien indéfectible » à l’Ukraine

A Washington, le « soutien indéfectible » à l’Ukraine

Depuis les alertes sur les préparatifs d’invasion de Vladimir Poutine jusqu’à l’envoi de milliards de dollars d’armes à Kiev, les États-Unis ont maintenu une ligne constante à l’égard de leurs alliés et réussi à afficher une union nationale sur la question ukrainienne.

Par Véronique Le Billon

Publié le 23 août 2022 à 10:53Mis à jour le 24 août 2022 à 16:35

Un appui constant, au nom des grands principes. Ce mercredi, jour de la fête de l’indépendance en Ukraine mais qui marque aussi les six mois de l’invasion russe, la Maison Blanche a annoncé une nouvelle aide de 3 milliards de dollars à Kiev, pour assurer sa défense. « Les États-Unis d’Amérique se sont engagés à soutenir le peuple ukrainien dans sa lutte pour défendre sa souveraineté », a rappelé le président américain dans un communiqué. Vendredi dernier, déjà, le Pentagone avait annoncé l’envoi pour 775 millions de dollars de nouvelles armes et de matériels. 

Aucun pays n’a donné autant que les États-Unis pour assurer la défense de l’Ukraine : depuis l’occupation russe de la Crimée en 2014 et avant l’attaque russe de février dernier, Washington avait déjà financé à hauteur de quelque 2 milliards de dollars « l’assistance à la sécurité » ukrainienne. Les Etats-Unis menaçaient aussi d’imposer des sanctions sur le gazoduc Nord Stream 2 entre la Russie et l’Allemagne, qui pénalisait l’Ukraine. Pays tampon entre la Russie et l’Europe, l’Ukraine a toujours eu une position centrale pour Washington, symbole de la lutte entre le « monde libre » et les régimes autoritaires.

Ligne constante

Avec la crise ukrainienne, Joe Biden a d’abord effacé les critiques d’amateurisme nées du retrait chaotique d’Afghanistan à l’été 2021, et permis de redonner de la substance à l’Otan. En alertant très tôt sur les préparatifs russes aux frontières de l’Ukraine, « les États-Unis ont permis une réponse forte et rapide, que ce soit en renforçant les troupes sur le flanc Est de l’Otan ou en ralliant l’Ouest pour négocier des sanctions contre Moscou », rappelle Steven Pifer, ancien ambassadeur américain en Ukraine.

A l’égard de ses alliés, Washington a ensuite maintenu une position constante : soutenir Kiev sans entrer dans un conflit frontal avec la Russie. Une fois ses lignes rouges posées (pas de « boys » américains en Ukraine), Washington a laissé la place aux tentatives de médiation de ses partenaires, même quand Joe Biden doutait des initiatives d’Emmanuel Macron..

Véritable gageure dans un pays politiquement clivé, les États-Unis ont aussi réussi à montrer un visage uni sur la question ukrainienne, l’aile trumpiste n’ayant pas réussi à retourner des élus républicains traditionnellement hostiles à Moscou. En un temps record, le Congrès a ainsi débloqué près de 14 milliards de dollars en mars, puis 40 milliards en mai – davantage même que ce que proposait la Maison-Blanche. Et le Sénat a donné son feu vert en août, à une majorité écrasante, à la candidature de la Finlande et de la Suède pour intégrer l’Otan.

L’attitude américaine n’en a pas moins été questionnée. En alertant pendant des mois sur les supposés projets de Vladimir Poutine, certains ont d’abord redouté que Washington n’agite un chiffon rouge devant Moscou. Des propos de Joe Biden, qualifiant Vladimir Poutine de « boucher », ou une assurance croissante face à Moscou ont aussi inquiété des Européens aux avant-postes du conflit.

« Maintenir l’attention et le soutien »

Les États-Unis n’ont en revanche pas réussi à rallier aussi largement qu’ils l’auraient souhaité. La Chine, l’Inde, le Brésil ou l’Arabie saoudite n’ont pas suivi Washington dans la mise en œuvre de sanctions ou de pressions politiques sur Moscou. Washington n’a pas non plus réussi à contenir l’envolée des cours du pétrole, entre un Opep peu allant et des producteurs de pétrole américains d’abord soucieux d’engranger leurs profits . La Maison-Blanche a malgré tout trouvé des succédanés, notamment en relâchant ses stocks stratégiques de pétrole.

Six mois après le début de l’invasion russe, les drapeaux jaune et bleu essaiment toujours dans les villes américaines, mais l’Ukraine a glissé d’un cran dans les conversations, et les élections législatives vont maintenant saturer le paysage médiatique. « C’est l’un des défis du moment : maintenir l’attention et le soutien, alors que le public s’est habitué au conflit. Mais le consensus reste fort », note Steven Pifer.

Si le conflit trouve une issue, la discussion entre Washington et Kiev sur les réformes à entreprendre dans le pays pourra reprendre. « Les États-Unis devront faire pression pour que Kiev s’oppose à la corruption et entreprenne des réformes économiques », juge l’ancien ambassadeur. « Dans les années 1990, la Pologne et l’Ukraine avaient un PIB par tête équivalent, alors que celui de la Pologne lui est aujourd’hui quatre fois supérieur. L’Ukraine devra pouvoir financer sa défense, sa croissance sera un impératif de sécurité nationale. »

Source : https://www.lesechos.fr/monde/enjeux-internationaux/a-washington-le-soutien-indefectible-a-lukraine-1783227

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