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Engelbert Mveng et Balafon : quand un écrivain camerounais transforme la poésie en pont entre les peuples

Publié en 1979, Balafon d’Engelbert Mveng est un recueil profondément ancré dans l’histoire, la culture et l’esprit de résistance du Cameroun. À travers la voix de Kadia, jeune homme engagé dans la lutte pour l’indépendance, mais aussi au moyen d’une série de poèmes ouverts sur le monde, Mveng propose une œuvre vibrante où le destin individuel rejoint celui de tout un continent. Balafon n’est donc pas seulement un texte littéraire ; c’est une méditation sur l’identité, la mémoire, le dialogue des cultures et l’espérance.

Un balafon pour dire l’Afrique

Le titre du recueil n’est pas anodin : le balafon, instrument traditionnel africain, devient symbole d’harmonie, de rythme et de transmission. À l’image de cet instrument, l’écriture de Mveng est cadencée, incantatoire, presque musicale. Elle sert à faire entendre la voix d’un peuple longtemps réduit au silence par la colonisation.

À travers le personnage de Kadia, Mveng aborde la lutte pour l’indépendance du Cameroun dans les années 1950. Kadia n’est pas un héros spectaculaire, mais un jeune homme conscient que la liberté passe par l’éducation, la culture et une nouvelle vision du monde. Sa quête représente celle d’une génération qui refuse l’effacement et revendique l’avenir.

Des poèmes comme lettres au monde

Une des grandes forces de Balafon est d’ouvrir le destin africain au-delà du seul continent. Mveng refuse l’isolement culturel ; au contraire, il imagine un dialogue universel entre les civilisations. Plusieurs poèmes prennent la forme de lettres adressées à des figures symboliques d’autres continents.

Dans « À Kong-fu-tseu », le poète rend hommage à Confucius et célèbre une rencontre spirituelle entre l’Afrique et l’Asie. La métaphore récurrente de la « porte » traduit cette ouverture culturelle : grâce au philosophe chinois, Mveng découvre un nouvel horizon, une autre manière de penser l’homme et le monde.

Avec « À Roland-Roger », le dialogue se déplace vers l’Europe. Mveng reconnaît la complexité du passé entre Européens et Africains, marqué par la colonisation, mais refuse le ressentiment figé. Il choisit la réconciliation, l’appropriation créatrice des mythes et monuments européens : il devient tour à tour « les châteaux du pays de Galles » ou « le vieux Marinier de la Tamise ». Par ce geste poétique, il montre que la culture peut devenir un territoire partagé.

Enfin, « À Moteczuma » réunit l’Afrique et l’Amérique autour d’une histoire commune : celle de la violence, de l’esclavage, mais aussi d’une espérance renouvelée. Mveng évoque les souffrances des ancêtres, mais conclut sur l’idée d’un futur apaisé.

Un cosmopolitisme poétique

Ces trois lettres esquissent une véritable géographie poétique, que d’autres poèmes viennent élargir : de New York à Moscou, de l’Adamawa au Sénégal, Mveng voyage à travers les continents. Les villes, qu’elles soient africaines, européennes ou américaines, deviennent le reflet d’une humanité reliée. Même les paysages les plus gris, comme ceux d’Ostende et de Douvres, peuvent entrer en résonance avec la sensibilité du poète.

Cette démarche traduit le rêve de Mveng : un monde où l’identité africaine n’est pas enfermée, mais pleinement actrice dans une fraternité universelle.

Une trilogie maternelle bouleversante

La dernière partie du recueil, centrée sur la figure de la mère, est d’une grande intensité. Dans « Mère », « Postface » et « Offrande », la mère devient tour à tour source d’amour, symbole de la terre natale, figure divine. Le poète s’y montre vulnérable, traversé par la culpabilité d’avoir quitté le foyer pour étudier. La mort de sa mère donne lieu à une méditation sur la frontière fragile entre les vivants et les morts, qu’il rêve de pouvoir franchir encore.

Une œuvre pour comprendre l’Afrique et le monde

Balafon est un recueil précieux pour comprendre l’Afrique des indépendances, mais aussi la pensée d’un écrivain profondément humaniste. Mveng y mêle le combat politique, la spiritualité, la mémoire familiale et un désir sincère de paix entre les peuples. À travers la voix de Kadia et ses poèmes voyageurs, il montre que l’indépendance ne se limite pas à un acte politique : elle consiste aussi à retrouver une voix, un souffle, une dignité.

Pour un lecteur de Première, Balafon offre une leçon essentielle : la littérature peut être une arme, un refuge et un pont. Elle permet de comprendre le passé, d’interroger le présent et d’imaginer un avenir où, comme l’écrit Mveng, « le rythme de la vie chante à l’unisson ».

Tableau thématique – Balafon d’Engelbert Mveng clair et structuré, parfaitement adapté à un élève de Première.
On peut s’en servir pour réviser, préparer un commentaire ou organiser une présentation orale.

Thèmes principauxÉléments dans l’œuvreExemples / Poèmes concernésObjectifs / Effets
Identité africaineAffirmation culturelle ; retour aux sources ; valorisation des traditions.Balafon, poèmes sur l’Adamawa, évocation du Cameroun.Montrer que la culture africaine est riche, vivante et capable de dialoguer avec le monde.
Lutte pour l’indépendanceParcours de Kadia, engagement politique, libération du Cameroun.Récit de Kadia ; allusions historiques.Expliquer la naissance d’une conscience nationale et l’importance de la liberté.
Dialogue entre les culturesLettres adressées à Confucius, à Roland-Roger (Europe), à Moteczuma (Amériques).« À Kong-fu-tseu », « À Roland-Roger », « À Moteczuma ».Montrer la possibilité d’une paix fondée sur la connaissance mutuelle ; célébrer la diversité.
Souffrance historiqueEsclavage, colonisation, travail forcé, guerres.« À Moteczuma », évocations des ancêtres, allusions à l’histoire coloniale.Transformer la douleur en mémoire constructive ; comprendre un passé partagé.
Universalité / CosmopolitismeLe poète voyage symboliquement dans le monde ; il relie les continents.« Ostende-Douvres », « New York », « Moscou », « Lettre collective ».Affirmer que les cultures ne sont pas fermées ; célébrer une humanité commune.
Spiritualité et symboles religieuxImages bibliques, méditations métaphysiques, liens entre les peuples et Dieu.« Épiphanie », « Pentecôte sur l’Afrique », « Offrande ».Donner une dimension sacrée au quotidien ; relier le sacré et l’humain.
Figure de la mèreHommage, culpabilité, amour, transmission, deuil.« Mère », « Postface », « Offrande ».Montrer l’importance du foyer, des origines et des liens familiaux ; humaniser le poète.
Nature et géographiePaysages africains et mondiaux ; villes vues comme des espaces vivants.« Adamawa », « New York », évocations des océans et frontières.Relier la terre au destin de l’homme ; montrer que le monde est un espace partagé.
Musique et poésieRythmes incantatoires ; métaphores musicales ; le balafon comme symbole.Tout le recueil, mais surtout les poèmes rituels et appelants.Donner une dimension orale, presque sacrée, à la poésie ; faire vibrer la mémoire africaine.
Espérance et fraternitéVision optimiste d’un monde réconcilié ; appel à l’unité africaine.« Tu reviendras, Sénégal ! », « Lettre collective ».Clore sur une vision d’avenir : un monde uni, libre et fraternel.

Schéma récapitulatif – Balafon (Engelbert Mveng) clair, simple et mémorisable.
Il est conçu pour aider à visualiser rapidement l’organisation et les grands axes du recueil.

BALAFON Engelbert Mveng (1979)
1. Identité et culture africaine2. Dialogue des cultures3. Souffrance et   histoire
– Traditions, terre      natale, balafon       – Affirmation de soi   – Afrique ↔ Asie : « À Kong-fu-tseu »  – Afrique ↔ Europe : « À Roland-Roger » – Afrique ↔ Amérique : « À Moteczuma »     – Esclavage, colonisation, douleur des ancêtres – Mémoire pour construire                                                                l’avenir
4. Universalité & cosmopolitisme5. Spiritualité et sacré6. La Mère, figure centrale
– Poèmes-voyages :   « New York », « Moscou »,   « Ostende-Douvres »       – Monde relié, cultures unies     – Images bibliques, rites, voix sacrée – « Épiphanie », « Pentecôte »  → L’homme relié au divin            – Amour, culpabilité, deuil  – « Mère », « Postface »,  « Offrande »                                       
7. Espérance et  fraternité8. Rythme & musique du balafon 9. Conscience politique 
– Vision d’un monde uni     – « Lettre collective »,     « Tu reviendras, Sénégal ! »  – Poésie sonore, incantatoire  – Le balafon = symbole de  l’Afrique qui parle                         – Récit de Kadia : lutte pour l’indépendance      

En résumé visuel

Balafon, c’est :

  • ✔ un enracinement africain fort
  • ✔ une ouverture généreuse vers le monde
  • ✔ une poésie musicale et incantatoire
  • ✔ une célébration de l’humanité
  • ✔ un hommage bouleversant à la mère
  • ✔ une réflexion sur l’histoire et l’indépendance

Qui est Angelbert MVENG ?

Biographie
Engelbert Mveng, né le 9 mai 1930 à Enem-Nkal (Cameroun) et assassiné le 22 avril 1995 à Yaoundé, était un prêtre jésuite, historien, artiste, théologien et poète. Il fut professeur d’histoire à l’université de Yaoundé pendant des décennies. Profondément engagé, il défendait une « inculturation » du christianisme dans la culture africaine, alliant spiritualité, mémoire et art traditionnel. Sa mort reste entourée de mystère : retrouvé étranglé dans son lit, les responsables n’ont jamais été identifiés. camer.be+2cameroun24.net+2

Bibliographie (sélection)

  • Balafon (recueil de poésie) — son œuvre la plus connue, alliant mémoire africaine et universalité. booknode.com+1
  • Théologie, libération et cultures africaines : dialogue sur l’anthropologie négro-africaine — un ouvrage théologique engagé publié avec B. L. Lipawing. Librairie Mollat Bordeaux

6 critiques / études sur Mveng

  1. Engelbert Mveng : chantre de la libération du Muntu (réflexion pluridisciplinaire sur son œuvre) Librairie Mollat Bordeaux
  2. Valentine Ugochukwu Iheanacho, « Engelbert Mveng et Jean Marc Éla : Bridging the Gulf between Liberation and Inculturation » (Stellenbosch Theological Journal) scielo.org.za
  3. Article « P. Engelbert Mveng s.j. : aller au Christ avec la richesse, la souffrance, l’espoir des peuples d’Afrique » Society of Mary – Xaverian Missionary
  4. Critique sur sa mort et sa vie dans « Qui a tué Le Père Engelbert Mveng le 23 avril 1995 ? » s1084e755aa436055.jimcontent.com
  5. Portrait dans « Engelbert Mveng, le prêtre ‘contestataire et prophète’ » camer.be+1
  6. Étude dans la Hekima Review sur sa théologie de libération et son apport anthropologique. journals.hekima.ac.ke

Jean Bosco BELL

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