Un sommet Trump-Poutine redessine la géopolitique de l’Europe
L’image est saisissante, presque théâtrale : Donald Trump applaudissant l’arrivée de Vladimir Poutine, puis s’empressant de lui serrer la main. Le maître du Kremlin, un sourire à peine dissimulé, savourait discrètement le geste. Sur le tarmac de l’aéroport international d’Anchorage Ted-Stevens en Alaska, cette mise en scène diplomatique a donné le ton d’un sommet qui a tenu toutes ses promesses en termes de symbolisme. Le président russe prenant place à bord de la Cadillac présidentielle de son homologue américain a parachevé cette démonstration de complicité, laissant peu de place au doute sur la nature de leur entente.
Cette connivence ostensible dissimule mal les véritables enjeux géopolitiques de la rencontre. Sous la façade des civilités protocolaires, l’objectif principal était de s’attaquer de front à la crise ukrainienne, qui empoisonne les relations internationales depuis 2022. Une crise qui, malgré l’émergence d’autres foyers de tension comme le conflit irano-israélien, est restée l’épicentre des préoccupations mondiales. Pour le président russe, cet événement est l’occasion de préserver la grandeur retrouvée de la Russie, qu’il considère comme l’héritière légitime de l’URSS. Pour son homologue américain, c’est l’opportunité de “corriger les stupidités” de son prédécesseur, Joe Biden, tout en prenant sa revanche sur une Europe qu’il a souvent accusée d’ingratitude.
L’Ukraine, au cœur des négociations et des divisions
Au centre des discussions figuraient les questions de garanties mutuelles de sécurité entre l’Occident et la Russie. Pour Vladimir Poutine, la voie de la paix repose sur deux points essentiels. D’une part, la neutralité de l’Ukraine, qui doit renoncer à toute velléité d’adhésion à l’OTAN. D’autre part, la reconnaissance des réalités territoriales issues du conflit, un préalable qu’il considère comme non négociable.
Côté américain, Donald Trump a rassuré son homologue sur un point clé : la neutralité de l’Ukraine. Il a déclaré que le pays “n’adhérera jamais à l’OTAN”, un engagement qui a provoqué des vagues d’inquiétude en Europe. Cependant, concernant la reconnaissance des territoires annexés, il s’est montré plus prudent, refusant de trancher sur le champ. Il s’est engagé à échanger préalablement avec le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, grand absent de la rencontre, pour trouver une issue. Trump a également exhorté les alliés européens à ne pas faire obstacle à la solution négociée et a obtenu de Poutine un accord de principe pour un futur sommet tripartite incluant l’Ukraine, une perspective qui pourrait redonner une chance à la diplomatie.
L‘Europe, une simple spectatrice impuissante
Pendant que Trump et Poutine se rencontraient, l’Europe, garante des accords de Minsk, tentait de peser sur le cours des événements. Les leaders européens ont déploré leur mise à l’écart, tout comme celle de Volodymyr Zelensky. Ils ont réitéré leur soutien indéfectible à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, tout en insistant auprès des États-Unis pour la poursuite de leur aide militaire. Un véritable dialogue de sourds qui a souligné leur impuissance à influer sur une rencontre qui se jouait sans eux. De son côté, la Chine s’est contentée de saluer sobrement l’idée du dialogue, réaffirmant sa position de non-ingérence.
Au final, ce sommet a eu pour double mérite de clarifier les positions sur le conflit russo-ukrainien et de revisiter les fondations des relations russo-américaines. Il a surtout permis à deux leaders, idéologiquement proches dans leur vision d’un ordre mondial multipolaire, de mettre en scène une complicité ostensible qui pourrait bien redessiner durablement les équilibres géopolitiques mondiaux. La fin de ce conflit, si elle venait à se concrétiser, ne sera pas celle d’une victoire militaire, mais bien celle d’un accord politique scellé entre ces deux superpuissances.
Vijilin Nguelifack
