Grandes Ecoles: Israël-Palestine,  Harvard ne s’exprimera plus sur les affaires politiques polémiques

Une université doit-elle prendre des positions politiques ? Non, a tranché fin mai le groupe de travail ad hoc d’Harvard mis en place en avril par le président par intérim, Alan Garber, quelques mois après la démission de Claudine Gay.

C’est un changement de paradigme qui se profile à la tête d’Harvard. Interrogé sur le positionnement le plus pertinent de « la voix institutionnelle de l’université » sur les sujets politiques, un groupe de travail interne a tranché dans une déclaration publiée et adoptée le 28 mai : « L’université et ses dirigeants ne doivent pas faire de déclarations officielles sur des questions publiques qui n’ont pas d’incidence directe sur la fonction principale de l’université. » Ce groupe ad hoc avait été mis en place en avril par le président par intérim, Alan Garber, quelques mois après la démission de Claudine Gay. L’objectif : étudier la meilleure façon de cultiver le dialogue et la liberté académique sur le campus, sur fond de manifestations pro-palestiniennes qui ont enflammé Harvard depuis le début de la guerre entre le Hamas et Israël.

« Défendre l’autonomie et la liberté académique lorsqu’elles sont menacées »

Noah Feldman, directeur-fondateur du programme Julis-Rabinowitz sur le droit juif et israélien à la faculté de droit de Harvard, et président de la Society of Fellows, et Alison Simmons, professeure de philosophie à la faculté des arts et des sciences, étaient en charge de la direction de ce groupe de travail, composé de huit membres. Leurs conclusions ont été remises sous la forme d’une courte déclaration de principes de trois pages, et adoptées par l’université, rapporte la Harvard Gazette, qui publie également un entretien avec les deux co-présidents.

Dans cette déclaration, le groupe de travail estime que si l’université « a la responsabilité de s’exprimer pour protéger et promouvoir sa fonction essentielle » et ses dirigeants de « défendre l’autonomie et la liberté académique lorsqu’elles sont menacées », ils ne doivent pas pour autant « faire de déclarations officielles sur des questions publiques qui n’ont pas d’incidence directe sur la fonction principale de l’université ». Cela compromettrait « l’intégrité et la crédibilité de l’institution ».

Les professeurs s’expriment en leur nom propre

Les membres du corps professoral, « qui s’expriment en leur nom propre » et parce qu’ils sont « experts dans leurs domaines de connaissances respectifs et peuvent souvent parler de ce qu’ils savent », « ne parlent toutefois pas au nom de l’université », écrivent les auteurs.

Les dirigeants de l’université, eux, doivent « se limiter aux questions relevant de leur domaine d’expertise et de responsabilité institutionnelle, à savoir la gestion d’une université ». « Il y aura des cas particuliers, où des personnes sensées ne seront pas d’accord sur le fait qu’une question donnée est ou n’est pas directement liée à la fonction principale de l’université, prévoient les membres du groupe de travail. Dans ces situations, la politique de l’université devrait consister à éviter les déclarations officielles. »

Eviter toute « déclaration officielle d’empathie »

Le groupe estime en outre que « la meilleure façon pour l’université de prendre en compte les événements publics urgents est de redoubler d’engagement intellectuel par le biais de cours, de conférences, de recherches et d’enseignements qui s’appuient sur les connaissances spécialisées de son corps professoral ». Ils rejettent également toute « déclaration officielle d’empathie », ce qui ferait courir le risque à l’université de « sembler se préoccuper davantage de certains lieux et événements que d’autres ».

 « La communauté aura besoin d’un certain temps pour se faire à l’idée que l’université ne s’exprimera pas sur un grand nombre de sujets, commente, dans l’interview à la Harvard Gazette, la co-présidente du comité, Alison Simmons. Nous nous sommes habitués à recevoir des courriels du bureau du président (puis des bureaux des doyens et des autres bureaux de l’université) lorsque quelque chose d’urgent se produisait dans le monde. Il sera surprenant, et peut-être déstabilisant pendant un certain temps, de ne plus les recevoir. » Noah Feldman, l’autre co-président, ajoute : « Avec la décision de l’université d’adopter ces principes, il faudra un changement culturel important pour que les gens réalisent, à l’intérieur et à l’extérieur de Harvard, que l’université a réellement adopté une politique de ‘parler moins’. »

Par Sarah Piovezan

Sources : https://www.challenges.fr/grandes-ecoles/israel-palestine-harvard-ne-s-exprimera-plus-sur-les-affaires-politiques-polemiques_895687

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