Julian ASSANGE recouvre la liberté : Chronologie d’une interminable saga judiciaire
C’est l’un des feuilletons médiatiques les plus traumatisants des deux dernières décennies. Une saga judiciaire mêlant confusément « journalisme », « espionnage », « traîtrise », « divulgation de documents classés secret défense » etc. Pendant près de quatorze années, les États-Unis n’auront de cesse que de réclamer la tête du cofondateur de WikiLeaks, Julien ASSANGE, au besoin « accrochée sur une pique ».
WikiLeaks, du nom de ce site internet hyper sécurisé lancé en 2006 par les informaticiens Julian ASSANGE et John Young, destiné à la divulgation des liens informatiques « leaks » frappés du sceau de la confidentialité et appartenant aux administrations publiques mondiales. Plusieurs administrations américaines, de l’administration Bush à Trump, en passant par l’administration Obama, en feront les frais.
Jusque-là très discret depuis son lancement officiel, ce n’est qu’en 2010 que le site WikiLeaks commence véritablement ses activités. Sa première bombe et non des moindres expose l’armée américaine à travers la mise en circulation d’une vidéo, datant de 2007, où l’on voit l’US Navy – en pleine opération à Bagdad – s’en prendre délibérément aux civils, commettant au passage quelques exactions.
Dans la foulée de cette révélation qui suscita un tollé général dans le système américain et une indignation de la communauté internationale, des milliers d’autres documents, de cette même armée en intervention au Moyen-Orient, des télégrammes diplomatiques et des archives du Pentagone, tous estampillés – secret défense – vont faire leur apparition sur le site. Leur ventilation se fera à une vitesse hypersonique. Exploitant cette source juteuse et visiblement crédible d’informations, les mastodontes médiatiques vont, après vérification et authentification desdits documents, les relayer sans censure, couvrant ainsi un large horizon.
Cette situation va définitivement affoler l’administration américaine qui fera arrêter et inculper Chelsea Manning, une ancienne analyste de données au Pentagone, soupçonnée d’être à l’origine de la fuite desdits documents. Un tribunal fédéral prononçait une peine cumulée de 35 années de prison, après l’avoir reconnu coupable de 20 des 22 chefs d’accusation retenus contre elle. Une peine qui sera plus tard commuée par le président Obama dans un mécanisme de justice transactionnelle. Simultanément à son arrestation, une enquête est ouverte par la justice américaine sur le site WikiLeaks. Son fondateur, pour sa part, fait l’objet d’un mandat d’arrêt international émis par la justice suédoise pour des faits allégués d’agression sexuelle. Arrêté, il sera auditionné puis libéré sous caution.
Courant 2011, la seconde bombe est lâchée, dévoilant au grand jour le traitement inhumain infligé aux détenus dans la prison de haute sécurité de Guantanamo. L’indignation envahie la communauté internationale, la consternation est grande. Barack Obama, alors président, instruit une enquête et promet de faire toute la lumière sur le dossier. En même temps, la traque contre ASSANGE prend une autre tournure. Il est clairement identifié comme une « menace à la sécurité nationale ». Courant 2012 et voyant l’étau de l’Oncle Sam progressivement se resserrer autour de lui, il se réfugie dans l’ambassade de l’Equateur à Londres où il obtient l’asile politique. En plus de cela, il se verra gratifié de la nationalité équatorienne par le président Rafael Correa, très hostile à la politique étrangère jugée « agressive » pratiquée par Washington vis à vis des États de l’Amérique latine. Rasséréné par sa situation, ASSANGE publie d’autres documents.
Pour cette troisième bombe, il révèle les très étroites relations économiques nouées entre les politiques américains, les entreprises occidentales et le régime syrien de Bachar el-Assad, devenu entre temps, renégat de la bien pensante communauté internationale. Ces autres révélations mettent à mal les milieux d’affaires et politiques américains qui veulent urgemment trancher la tête d’ASSANGE afin de le neutraliser définitivement. Commence alors une véritable chasse aux sorcières mêlant réseaux diplomatiques et renseignements extérieurs. C’est dans ce climat d’agitation généralisée qu’il actionne la quatrième bombe, une bombe dont l’onde de choc s’étendra sur le diplomate américain Henry Kissinger.
Henry Kissinger visé, exposé et explosé
Entre 2012 et 2014, c’est l’ancien Secrétaire d’Etat américain, Henry Kissinger, qui devient la star du site internet. La publication de plus d’un million de ses mails, des télégrammes, des correspondances officielles dévoilant son activité diplomatique fera grand bruit. Sont notamment révélés au grand public, les documents sur les interventions de l’armée américaines en Syrie, en Libye, en Irak, en Afghanistan ; les complots fomentés contre l’Iran, contre la Chine, contre la Russie etc. Le régime américain, impuissant, voit sa vie publique dévoilée au grand jour sans pouvoir faire grand-chose, si ce n’est une demande officielle d’extradition soumise à l’Equateur qui y oppose un non catégorique, évoquant la nécessité de protection de la liberté de la presse sous fond du droit humanitaire. L’administration américaine est outrée et envisage une opération d’intrusion dans les locaux londoniens du bâtiment abritant l’ambassade d’Équateur. Un projet finalement rejeté.
En 2015, ASSANGE provoque à nouveau l’ire des américains en dévoilant l’affaire des écoutes téléphoniques des principaux leaders politiques européens, alliés des États-Unis, par National Security Agency (NSA), qui est une agence de renseignement dépendante du Pentagone. Suivant ces révélations, trois anciens présidents français, de Jacques Chirac à François Hollande, en passant par Nicolas Sarkozy, avaient été mis sous écoute du temps de leur fonction. La Chancelière allemande, Angela Merkel et le Premier Ministre britannique David Cameroon également. Il en va de même des principaux dirigeants des grandes entreprises européennes, notamment celles cotées en bourse. Ces révélations entraînaient une relative crispation des tensions entre les États-Unis et leurs alliés européens. Mais une crispation qui sera de très courte durée après que les États-Unis se soient officiellement expliqués.
2016, en pleine campagne pour la présidentielle américaine, les emails de la candidate démocrate Hilary Clinton sont piratés par les hackers russes et diffusés sur WikiLeaks. Pour certains analystes, la divulgation de ces emails serait parmi les facteurs explicatifs de la victoire du « très controversé » candidat républicain Donald Trump aux dites élections. Ces emails sont suffisamment discréditants pour mettre hors-jeu la candidate démocrate.
Début 2019, Julian ASSANGE voit sa situation véritablement se complexifier avec le nouveau président équatorien Lénín MORENO qui lui retire sa nationalité équatorienne et met fin à son droit d’asile, ouvrant ainsi la porte à son expulsion des locaux londoniens de l’ambassade équatorienne. Signe de ce changement des temps, la police britannique est même autorisée à pénétrer dans la bâtisse diplomatique équatorienne afin de le cueillir. Il sera arrêté et condamné à 52 semaines de prison. Il lui est reproché d’avoir violé les conditions de sa liberté provisoire en 2012. En dépit de la pression américaine qui demande son extradition, une fin de non-recevoir leur est servie et lui, écroué dans la célèbre prison de Belmarsh, un établissement haute sécurité.
Les États-Unis qui ne renoncent pas à l’idée de punir julian, soumettent une autre demande d’extradition qui est, comme les précédentes, également rejetée par la justice britannique qui évoque cette fois l’absence de garantis pour un procès inéquitable pour les 18 chefs d’accusation qui sont retenus contre lui. Mais, Washington qui ne baisse pas les bras soumet continuellement des demandes aux fins d’extradition. En juin 2022, un juge britannique décide de faire suite à la demande américaine en autorisant son extradition.
Mais c’était sans compter sur la détermination du lanceur d’alerte qui fait appel de la décision. Le feuilleton judiciaire prend alors tout son sens. Un appel rejeté par les juges qui confirmaient ainsi son extradition. Le temps que les deux justices trouvent un accord, Julian ASSANGE prend les devants et scelle un accord avec la justice américaine, lequel accord lui garantit une très courte peine de prison en échange d’un plaidé coupable. Le 24 juin 2024, Julian ASSANGE est libéré et regagne les États-Unis pour comparaître devant un tribunal fédéral des Îles Mariannes où il écope de 5 ans de prison. Mais il est immédiatement libéré parce que les cinq années de prison avaient déjà été entièrement consommés. Après sa mise en liberté, il décide de rentrer dans son pays natal en Australie, mettant ainsi un terme définitif à la plus longue saga judiciaire et diplomatique des États-Unis.
Nguelifack Vijilin Cairtou.