Maghreb, rivalités autour du Nil

Le Nil qui est constitué de la rencontre entre le Nil Blanc et le Nil Bleu, s’écoule sur un lit d’environ 6.700 Km², ce qui en fait le fleuve le long d’Afrique, juste derrière l’Amazone qui est le plus long du monde, tire sa source du lac Victoria en Ouganda en ce qui concerne sa composante du Nil Blanc et du lac Tana en Ethiopie, pour ce qui est du Nil bleu. Il arrose l’Égypte, l’Éthiopie, le Soudan, le Kenyan, le Soudan du Sud, la Tanzanie, le Rwanda, le Burundi, l’Ouganda, la République Démocratique du Congo et l’Érythrée par son affluent le Tekezé. C’est à Khartoum au Soudan que ses deux affluents du Nil Blanc et Bleu se rejoignent pour former le Nil qui lui, se jette dans la Méditerranée, non sans des remous dans sa gestion.

Depuis toujours, il est l’objet de rivalités entre les différents pays qui le bordent. Des querelles qui se sont accentuées de nos jours avec l’intensification des changements climatiques et leurs effets pervers de plus en plus palpables, faisant naître le développement d’une géopolitique de l’eau autour du fleuve sans équivalent historique. L’hypothèse « d’une guerre du Nil » fut même un temps envisagée par les internationalistes.

Bien que plusieurs barrages hydroélectriques soient déjà installés sur son lit, c’est l’annonce par l’Éthiopie de la construction du plus grand barrage d’Afrique dénommé « le barrage de la renaissance africaine dont la capacité de production installée serait supérieure à 6.000 megats watts, destinée à la satisfaction de sa demande interne et d’exportation », qui sème la pomme de discorde.

Pour les différents pays qui bordent le Nil, singulièrement l’Égypte et l’Éthiopie, la vie sociale, économique, politique, culturelle, cultuelle etc., est essentiellement structurée autour du fleuve. C’est dire que le Nil apparaît Incontestablement pour ces États, non seulement comme une ressource dont les richesses halieutiques en font nécessairement un bien stratégique mais davantage comme une ressource vitale, voir indispensable. « L’Égypte, disait Hétérote, est un don du Nil », cette citation ne vient pas tempérer le caractère primordial du Nil pour le pays des Pharaons.

Le barrage de la discorde

C’est en 2013 que les premières tensions refont surface, après une longue période de relative accalmie. Cette résurgence des tensions fait suite à l’officialisation par les autorités éthiopiennes d’engager la construction de ce barrage. La réaction de l’Égypte qui craignait de voir le débit de l’eau baisser une fois que le remplissage du barrage sera entamé ne se fit pas attendre. Dans un discours à la nation égyptienne, le président Abdel Fatah Al Sisi n’excluait pas l’hypothèse de la destruction pur et simple du barrage et ordonnait à son armée de se mettre en état de guerre.

Il faut rappeler que les prétentions du Caire sur le Nil datent de 1929, année à laquelle un accord passé avec le colon britannique l’autorisait à mettre son veto sur tout projet d’envergure réalisé en amont, susceptible de nuire aux intérêts vitaux des autres nations qui tirent leurs richesses de l’exploitation du fleuve.

Mais depuis lors beaucoup d’eau a coulé sous les ponts, car la méditation internationale, notamment celle de l’ONU et bien-sûr de l’Union Africaine (UA), est passée par là. Il fut donc décidé que l’Éthiopie qui se prévaut d’un droit géographique sur le fleuve échelonnerait le remplissage complet de son barrage sur plusieurs années, en prélevant une quantité raisonnable de nature à ne pas avoir une trop grande influence sur le débit des États situés en aval du fleuve. En 2023, l’Éthiopie annonçait avoir terminé un peu plus tôt que prévu avec le remplissage complet de son barrage, annonce qui n’était pas pour plaire au Caire.

Une exploitation désormais régulée par un accord international

Calqué sur l’accord de 1929, celui de 1959 fut plus précis dans la détermination des quantités, en termes de débit annuel de l’eau disponible pour chaque pays arrosé par le Nil. Pour veiller à son respect, il fut mis sur pied l’Initiative sur le Bassin du Nil (IBN), signé par 09 des États riverains du Nil, à l’exclusion de la seule Erythrée. Suivant cet accord passé entre l’Égypte et le Soudan qui revendiquent des droits historiques sur le fleuve, à l’exclusion des autres États, Le Caire devait avoir accès annuellement à 55,5 milliards de m³ d’eau contre 18,5 milliards de m² pour Khartoum. C’est tout naturellement que les États exclus s’opposaient à cet accord.

Dans son histoire récente, le Nil a été l’objet d’un conflit ouvert entre l’Égypte et l’Éthiopie en 1875. En 1978, le président égyptien Anouar El-Sadate menaça son homologue éthiopien, le général Mengistu, de représailles s’il entreprenait un projet de rétention des eaux du fleuve pour ses besoins agro-pastoraux. Le pire semble aujourd’hui derrière nous en ce qui concerne strictement cette question mais le Nil n’a assurément pas fini de faire parler de lui. Espérons que sa bataille n’aura pas lieu.

NGUELIFACK Vijilin Cairtou

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