Conférence, le Pragmatisme au scanner du Dr Yemeli
Samuel Yemeli, titulaire d’un Doctorat (Ph.D) en philosophie et chercheur indépendant a tenu la promesse d’animer un moment important du séminaire annuel Master-Doctorat de philosophie à l’Université de Douala et à Open Kwonledge Higher Institute (OKHI) en lien avec la société de recherche scientifique dite Centre Ahmès, sous la coordination du Pr Emmanuel Malolo Dissakè et du Pr Eugène Emboussi Nyano, les jours ci-après, mardi 18 avril, jeudi 20 avril, samedi 22 avril de l’an 2023. Comment a-t-il fait pour tenir son engagement ?
Yemeli intitule sa communication, « Introduction au pragmatisme », entendu comme un mouvement de pensée américain (systématisé par Charles Sander Peirce, popularisé par William James et John Dewey) qui considère que le vrai est ce qui « est avantageux pour notre pensée ». La problématique de sa communication peut se formuler ainsi : les conséquences (philosophiques, politiques, épistémologiques et éthiques) du pragmatisme telles que présentées par Rorty fusionnent-elles avec l’esprit des Pères fondateurs comme Peirce, James ou Dewey, étant donné des approches pragmatistes diverses qui résultent de la pluralité des Écoles et Tendances du pragmatisme ? Pour répondre à cette problématique, Yemeli adopte une démarche analytique ternaire et articule 9 sous-thèmes de conférence.
Dans la première partie de son analyse, il cherche le sens fondamental du pragmatisme classique. Il commence à le dégager à partir de la sémiotique pragmatique de Pierce qui soutient que toutes choses envisagées dans sa phénoménalité est signe et qu’il n y a rien qui ne puisse être un signe (Conférence 3). Yemeli poursuit sa quête de sens du pragmatisme à partir de l’idée qu’a James de la méthode pragmatique et du pragmatisme lui-même en rapport avec la vérité. Il trouve que cet auteur, dans la continuité de Pierce, considère que la méthode pragmatique est prioritairement une méthode permettant de résoudre les controverses métaphysiques qui pourraient restées interminables et que le pragmatisme est aussi une théorie génétique de la vérité. Mais il souligne que le critère de la vérité d’une idée est, pour James, la réussite de l’action. En opposition à ceux qui qualifie d’« intellectualiste » ou « rationaliste », Yemeli rappelle que James soutient qu’une idée vraie n’est pas une simple copie de la réalité : c’est parce qu’une idée est un guide utile pour l’action qu’elle est en accord avec la réalité, et par ricochet qu’elle est vraie voire juste (Conférence 2). Enfin, Yemeli cherche le sens du pragmatisme à partir de ce que Dewey pourrait considérer lui-même comme la quintessence du pragmatisme, à savoir un processus de reconstruction de la philosophie vu que les philosophes ne s’intéressent pas à la socio-politique, se préoccupent des questions sans rapport avec le bien de l’humanité et s’occupent à produire des techniques formelles travaillées et non pratiques (Conférence 1).
Dans la deuxième partie de son analyse, Yemeli cherche le sens et les implications du néo-pragmatisme à parti d’une attention portée à la linguistique et à la post-philosophe de Rorty. Selon lui, Rorty insiste sur le fait que son néo-pragmatisme n’est ni une théorie de la connaissance ni une tentative de renouer avec les thèses correspondantistes de la vérité. Il s’oppose aux hiérarchisations dualistes et, en appuyant sur Gadamer, soutient que sa théorie de la vérité ne fournit pas d’entités avec lesquels les énoncés demanderaient à être comparés (Conférences 4). Dans ce cas, Rorty montre, souligne Yemeli, que la vérité est une propriété d’entités linguistiques ; elle ne saurait exister indépendamment de l’esprit humain parce que les phrases ne sauraient exister ainsi. La vérité ne saurait être là, devant nous. Le monde est là dehors, mais pas les descriptions du monde (Conférence 6). Se revendiquant d’être un ironiste, Rorty s’oppose alors aux métaphysiciens. Il veut délégitimer les métaphysiciens qui ne cherchent pas à se soustraire des contingences reçues du « Canon Platon-Kant » afin de l’inviter à amorcer les voies de l’ironiste qui tire avantage de ses propres contingences à l’intérieur du « Canon jeune Hegel-Nietzsche-Derrida » (Conférence 5).
Au-delà des remarques et des objections auxquelles Yemeli est confronté, il se prend plutôt bien pour articuler ses réponses et surtout traduire ses motivations profondes. En arrière-plan de ces séries de conférences, Yemeli cherche une mise au point, envoie une invitation et lance un défi. Il veut mettre un terme à un usage confus et abusif du concept du pragmatisme dans le cercle des intellectuels africains. En effet certains de ces intellectuels s’efforcent de distendre ce concept pour y intégrer des pratiques et des doctrines les plus variées, dans le dessein principal de discréditer spontanément cette philosophie américaine et affirmer sa contradiction radicale avec les cultures dites africaines. Par ses conférences, Yemeli convie à plus de rigueur dans l’effort intellectuel de notre temps. Pour lui, si les africains ont le devoir de ne pas se détourner du pragmatisme américain, il n’en demeure pas moins qu’ils ont cependant le devoir de le dépasser, de le réarticuler pour eux-mêmes.
Les conférences du Dr Yemeli permettent alors aux plus jeunes étudiants en philosophie de mieux perçoir de quelles manières il importe d’effectuer un travail de recherche, d’exposer et de défendre ses résultats de recherche dans l’espace de discussion requis à cet effet.
Deutou Pouleu