Mon enfant rit quand je le gronde, pourquoi et comment réagir ?

En guise de réaction à un sérieux rappel à l’ordre du parent, certains enfants sourient ou rient. Doit-on y voir une audace sans nom ? De la moquerie ? Deux spécialistes de la psychologie infantile expliquent ce qui se trame sur le moment.

Dans la grande aventure de la parentalité, les situations où les parents se retrouvent quelque peu désemparés et irrités face au comportement de l’enfant sont nombreuses. La preuve : qui, dans l’assemblée, peut jurer ne jamais avoir eu envie d’abdiquer quand son bébé ne dormait pas alors que celui des autres, oui ? Qui n’a pas été surpris de voir sa progéniture manger des cailloux au parc ou se masser allègrement le bermuda blanc avec de la terre ? Enfin, qui n’a jamais douté de la bienveillance de son enfant quand la crèche informe qu’il mord chaque bras potelé croisé à la salle de jeux ?

Une autre scène est particulièrement déstabilisante pour l’adulte. Celle où ce dernier gronde le petit, et où l’enfant, en réaction, sourit ou (pire !) rit. De quoi s’interroger sur ses principes éducatifs et se voir challenger sur sa capacité à rester diplomate face à l’audace de cet être d’1 mètre 20. Or, il se trouve que la situation est courante et que le phénomène n’est absolument pas anecdotique.

Un réflexe conditionné

En réalité, chez l’enfant entre 0 et 6 ans, d’audace il n’y en a pas. Aucune moquerie non plus, et pas même de l’insolence. Héloïse Junier (1), psychologue spécialiste du jeune enfant et docteure en psychologie à l’Université de Paris, a écrit sa thèse sur les émotions du nouveau-né. Elle explique ainsi que le sourire ou le rire chez certains (le phénomène ne touche pas tous les enfants) en réaction au ton élevé d’un parent, est nerveux. «Dès la naissance, quand un nouveau-né émet un sourire, cela en provoque également un chez l’interlocuteur en face de lui. Le cerveau enregistre alors cette réaction en chaîne entre son sourire et celui de l’autre, précise-t-elle. Alors quand l’enfant est en situation de stress, il enclenche ce réflexe conditionné et expérimenté dès la naissance. Il y a ici une recherche un peu implicite de désamorcer l’interlocuteur.»

Il y a ici une recherche un peu implicite de désamorcer l’interlocuteur, Héloïse Junier, psychologue spécialiste du jeune enfant

En clair, quand il se fait disputer, l’enfant se sent gêné, a peur et a sur le moment surtout besoin d’être rassuré. Bien loin du manque de respect ou de la malveillance dont on l’accuse, donc. Vous culpabilisez d’avoir mal interprété ? Inutile. La faute incombe à notre cerveau d’adulte et à son regard biaisé, selon la psychologue. «C’est ce que l’on appelle l’adultomorphisme, informe Héloïse Junier. On surinterprète le comportement de l’enfant comme s’il était adulte, on pense que le petit pense comme nous. Or, cela n’est pas le cas, son cerveau est immature, l’enfant est très naïf.»

«Le cerveau du jeune enfant est vulnérable, le petit est dominé par ses émotions, il est incapable de les gérer», confirme Agnès Florin (2), professeure en psychologie de l’enfant et de l’éducation à l’Université de Nantes. Sourire ou rire quand il se fait gronder, est alors le moyen pour lui de gérer la tempête émotionnelle qui monte. Ce réflexe se manifeste d’ailleurs encore chez certains adultes, face à la réception d’une mauvaise nouvelle ou face à une source de stress. «On la retrouve aussi chez les primates», ajoute la psychologue Héloïse Junier.

La moquerie soupçonnée par les parents se retrouve plutôt chez l’enfant plus âgé, au moment de la préadolescence par exemple, après 7 ans, à l’école élémentaire. «Il convient de réussir à interpréter le comportement de chacun, souligne Agnès Florin, et de s’interroger : qu’est-ce qui pousse l’enfant à provoquer ainsi ? Certains peuvent douter de l’amour de leurs parents – à un moment donné, tous ont peur d’être abandonnés – ou peuvent avoir l’impression qu’on ne s’intéresse pas à eux. Rire quand on les dispute peut être un moyen d’attirer l’attention.»

Comment réagir ?

Sans surprise, face à une telle réaction, le défi du parent est de dépasser la défiance ressentie et de ne pas céder à l’énervement et à la colère. Idéalement (nous avons bien dit, idéalement…), Héloïse Junier recommande de se rappeler que l’enfant est stressé, et d’arrêter de crier, de se mettre à sa hauteur, de s’excuser de lui avoir fait peur et de reprendre sans hurler. «Un cerveau stressé est un cerveau qui a du mal à comprendre la consigne», indique la psychologue. Si la colère est trop forte et que l’adulte ne réussit pas à réinstaurer le calme, il peut s’éloigner physiquement de l’enfant et faire ainsi redescendre la pression.

Pour le reste, aussi désagréable que cela puisse être, l’enfant doit tout de même s’entendre dire que son comportement ne va pas. «Le rôle des parents ne se résume pas qu’à aimer l’enfant, il est aussi de le sociabiliser, de lui apprendre les règles sociales et de lui faire comprendre qu’il n’y a pas lieu de transiger», commente Agnès Florin.

Mieux vaut expliquer à l’enfant le comportement qui est attendu de sa part, plutôt que l’interdiction, Agnès Florin, professeure de psychologie de l’enfant et de l’éducation

Pour ce faire, la spécialiste conseille aux adultes de changer de prisme et de tourner de façon positive ce qu’ils auraient tendance à dire de façon négative. «Mieux vaut expliquer à l’enfant le comportement qui est attendu de sa part plutôt que d’insister sur l’interdiction», poursuit-elle.

Les enfants ne sont pas non plus des êtres froids, cruels et ingrats. Ils ont beaucoup d’empathie. Alors pour s’extraire d’une situation a priori inextricable, les parents peuvent aussi jouer cartes sur table. «On peut signifier à son fils ou sa fille ce que son comportement crée en eux, conclut Agnès Florin, et dire que cela nous fait de la peine quand il/elle hurle de cette façon, ou que l’on a l’impression qu’il/elle ne nous écoute pas.» En espérant trouver le chemin vers l’apaisement.

(1) Héloïse Junier est auteure de Le manuel de survie des parents, (Ed. Dunod).
(2) Agnès Florin est auteure notamment de La psychologie du développement, enfance et adolescence, (Ed. Dunod).

Source : Ophélie Ostermann, https://madame.lefigaro.fr/enfants/education/mon-enfant-rit-quand-je-le-gronde-pourquoi-et-comment-reagir-20220812

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